Critiques

Mélisende, reine de Jérusalem : enfin un vrai roman historique ?

Par Dragonarcane
3 min 9 mai 2024
Mélisende, reine de Jérusalem : enfin un vrai roman historique ?

Il est dangereux d'aimer l'histoire et la fantasy en même temps : les mondes inventés semblent souvent fades, les histoires reprises idiotes. Car pour réussir un roman historique, il faut à la fois bien connaître l'histoire, l'aimer suffisamment pour s'y immerger, tout en gardant une distance nécessaire pour innover et transformer l'histoire en histoire. Vous aurez compris que je suis dans ce cas, et que je ne lis généralement jamais de roman historique, encore moins teinté de fantasy, par peur de blesser deux passions en une seule lecture.

 

Pourtant, ce livre, Mélisende de Jérusalem par Jean-Louis Fetjaine, insidieusement offert pour un anniversaire, a réussi à me convaincre dès les premières pages. Son histoire n'est peut-être pas la plus claire, surtout que j'ai découvert après coup qu'il s'agissait en réalité d'un deuxième tome (rien ne l'indique sur le volume) : cela ne m'a pas assez dérangé pour que je m'empare de mon téléphone pour une brève recherche, c'est dire. Pour vrai dire, ce XIe siècle levantin, fragments latins entre les mondes byzantin et arabo-musulman, est retranscrit avec précision, voire brio : on aurait pu sombrer si vite dans les clichés et les banalités ! La formation historienne de l'auteur se ressent rapidement, sans pour autant s'appesantir sur la lecture d'un récit mystérieux.

 

Les dessous de l'histoire

L'histoire est simple : des puissances occultes s'agitent sous le voile de la réalité, et cherchent à provoquer un affrontement généralisé entre les êtres humains. Dans leurs mains, de multiples serviteurs, des goules affreuses aux instruments plus acérés que le lecteur découvre petit à petit dans sa lecture. Face à eux, les Assassins, fameux par le nom, ici par la bravoure, qui ne sont cependant pas sortis de tout cadre historique comme cela arrive trop souvent. Le récit suit les aventures de deux jeunes hommes, à la sortie de l'enfance, devant trouver leur voie dans ce monde chaotique : vous saurez rapidement qu'elle ne saurait être simple.

 

Un cadre somptueusement rendu

Mais ce que j'ai trouvé le plus intéressant dans ce livre, ce n'est pas tant l'histoire elle-même que ce monde dans lequel elle se drape avec habileté. Pour avoir passé quelque temps dans les sources byzantines, j'avais beaucoup de craintes : le premier chapitre, l'entrée de l'empereur Jean Comnène à Antioche, entouré de Francs plus ou moins hostiles, les a balayées. L'auteur connaît la période, et ne prend pas ses lecteurs pour des idiots incapables de supporter des mots en arabe. Il cite par exemple les noms véritables des lieux et des personnages, souvent en arabe, parfois dans d'autres langues, ce qui permet à la fois de rendre cette histoire plus étrange, plus passionnante mais aussi plus intéressante, plus vraie.

 

À lire !

Les critiques sont assez divisées sur cet ouvrage, le mien ne l'est pas. J'ai été pris dans cette histoire, au milieu de ces personnages fidèlement rendus (on remarquera juste que la Mélisende éponyme du livre n'apparaît, pour ainsi dire, pas...), obligés de lutter dans un monde dur, souvent injuste, toujours vivant. Ce qui est certain, c'est que Jean-Louis Fetjaine a pris le parti de s'attaquer à une période complexe, souvent méconnue, plus souvent encore inconnue, et qu'il l'a saisie dans un mouvement d'ensemble impressionnant, surtout pour une fiction. La preuve que fiction et histoire ne sont pas incompatibles ; j'aurais aimé l'avoir plus tôt.

 

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